Des frustrations croissantes chez les employeurs et les candidats
Cet article s’appuie sur les enseignements de l’étude menée en mai 2025 par Analysis, an affiliate of Kantar, sur les attentes des Mauriciens au travail. Spécialisée dans l’étude, l’analyse et le conseil, Analysis accompagne les entreprises et institutions dans la compréhension des besoins des consommateurs, citoyens et collaborateurs, grâce à des approches marketing, RH et RSE fondées sur les insights.
Ces dernières années, les frustrations liées au recrutement, tant du côté des employeurs que des chercheurs d’emploi, se sont exprimées de manière de plus en plus vocale dans de nombreux pays – aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, etc. Parmi les griefs les plus fréquemment évoqués : absence de réponses, annonces fantômes, processus d’entretien interminables, candidatures déconnectées du profil recherché, etc. Dans ce contexte, il est essentiel de s’intéresser à la manière dont les actifs Mauriciens abordent aujourd’hui le processus de recrutement.
Des candidats mieux armés que jamais
Les contenus en ligne relatifs au monde du travail connaissent un succès croissant. Ils véhiculent des représentations normatives de ce qui est attendu d’un salarié, de ce qui est jugé acceptable en entreprise, ou encore de ce qui caractérise un « bon candidat ». Ainsi, plus de 60 % des répondants à l’enquête Attentes des Mauriciens au travail déclarent regarder, au moins occasionnellement, des vidéos portant sur la rédaction de CV, de lettres de motivation ou la préparation aux entretiens. Au moins 10 % les consultent régulièrement. L’âge joue ici un rôle déterminant.
En effet, 18 % des moins de 25 ans regardent régulièrement des vidéos sur la rédaction de lettres de motivation, contre 10 % des 25–34 ans et seulement 5 % des 45 ans et plus. De même, 29 % des moins de 25 ans consultent régulièrement des contenus sur les techniques d’entretien, contre 12 % des 25–34 ans. À l’inverse, 34 % des 45 ans et plus ne visionnent jamais ce type de contenu, contre seulement 20 % des moins de 25 ans.
Cette tendance reflète en partie une plus forte présence en ligne des jeunes générations, mais elle traduit également un véritable intérêt – même chez ceux qui ne sont pas en recherche active – pour les dynamiques de recrutement et les leviers permettant d’optimiser sa candidature.
Des candidatures de plus en plus standardisées
Les candidatures actuelles sont non seulement fortement influencées par les conseils en ligne, ce qui tend à les homogénéiser, mais elles le sont également par l’usage croissant des intelligences artificielles génératives. Ainsi, 20 % des répondants déclarent avoir déjà eu recours à l’IA pour accomplir au moins l’une des tâches suivantes : rédaction de lettre de motivation, création de CV, préparation à un entretien ou réponse à des questions d’un recruteur.
4 août 2025
auteur: Timothée Job, Statistics Lead
Pour aller plus loin :
Bien que la majorité n’y ait encore jamais eu recours, les plus jeunes ne manifestent aucune réticence à utiliser ces outils. Par exemple, seuls 12 % des 45 ans et plus ont utilisé l’IA pour s’entraîner à un entretien, contre 36 % des moins de 25 ans. De même, 53 % des moins de 25 ans ont déjà utilisé une IA pour rédiger une lettre de motivation, contre 34 % des 25–34 ans.
Cette accessibilité facilite considérablement l’acte de candidature, contribuant au phénomène des candidatures à l’aveugle : on postule à tout ce qui passe, sans réelle personnalisation.
Un cercle vicieux se crée alors : les candidatures deviennent de plus en plus similaires, les recruteurs peinent à distinguer les bons profils, les candidats non retenus se sentent incompris et envoient davantage de candidatures, toujours selon les mêmes modèles issus d’Internet ou de l’IA… Résultat : des candidatures de plus en plus standardisées, parfois vides de sens.
Des obstacles genrés à l’embauche
Au-delà des aspects techniques liés aux CV ou aux entretiens, d’autres facteurs freinent la candidature à un poste. Par exemple, 41 % des répondants affirment ne pas postuler à une offre si le salaire n’est pas précisé – un frein bien plus cité que la description trop vague (27 %) ou l’impression de ne pas avoir toutes les compétences requises (26 %).
Lorsque l’on s’intéresse aux différences selon le genre, on observe des tendances notables : 46 % des hommes ne répondent pas à une offre sans indication de salaire, contre 36 % des femmes. De même, une description floue dissuade 30 % des hommes, contre 23 % des femmes.
En revanche, les femmes sont davantage freinées par des avis négatifs sur l’entreprise (24 % contre 17 % chez les hommes) et par le sentiment de ne pas être suffisamment qualifiées (21 % contre 16 %).
Vers une refonte nécessaire du recrutement
Le recrutement tel qu’il est pratiqué aujourd’hui ne satisfait ni les entreprises, ni les jeunes, ni les femmes. Le processus s’essouffle, dépassé par l’omniprésence du numérique et l’essor des IA génératives.
Repenser les pratiques devient indispensable, à la fois pour fluidifier les parcours de candidature, mais aussi pour garantir que les personnes réellement compétentes – quelle que soit leur tranche d’âge ou leur genre – puissent postuler et que les entreprises fassent des choix éclairés, alignés avec leurs besoins réels.
4 août 2025
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