Le 8 mai dernier s’est tenue la présentation des résultats clés de l’étude « Les attentes des Mauriciens au travail »

Cette enquête s’est déroulée en deux volets. Dans un premier temps une analyse approfondie de 14 entretiens d’au minimum une heure avec des profils très variés a permis de saisir les subtilités des expériences mauriciennes par rapport au travail, leur aspirations personnelles, professionnelles et leurs frustrations.

Dans un second temps un questionnaire a été administré à 780 travailleurs Mauriciens d’âges, de genres et de secteurs divers. Ils ont été interrogés sur de nombreuses facettes de leur vie et de leur emploi, leurs valeurs, leurs frustrations, leurs inquiétudes et leurs désirs.

Cette étude permet de confirmer certains ressenti mais aussi d’invalider des idées reçues, notamment sur les jeunes générations. Elle permet aussi d’apporter des éléments de réponse aux entreprises qui se questionnent sur leur management, leur organisation et leurs valeurs.

A partir de cette étude nous pouvons exprimer le constat suivant.
Dans une société comme Maurice où la population active s’amoindrie et où le marché de l’emploi est en pleine transition, l’inadéquation entre les aspirations, professionnelles et personnelles, et les besoins humains des entreprises conduit à une anxiété palpable et un manque de confiance dans l’avenir du pays.

L’étude révèle une certaine fragilité dans l’état mental des Mauriciens, notamment les femmes et les plus jeunes.

Alors que les nouveaux discours sur le travail se focalisent principalement sur une quête de sens et de satisfaction personnelle, il ressort que le travail reste fonctionnel : le travail est ce qui permet au travers de la rémunération de survivre puis d’établir une certaine sécurité financière à long terme puis de réaliser ses ambitions propres. L’impression d’avoir un bon salaire reste ce qui influe le plus directement sur le bien-être au travail ainsi que le bien-être général.

Les frustrations au travail et les manquements des managers sont nombreux. Les employés attendent une meilleure communication, de la reconnaissance et plus de flexibilité. Le manque de valorisation, au travers du salaire, des avantages et des opportunités, semble fortement nuire à la rétention des employés. Les Mauriciens sont particulièrement sensibles à ce qui peut être perçu comme un manque de méritocratie et un manque de respect. On attend des managers qu’ils se forment à encadrer leurs collaborateurs avec une approche plus participative, qui prends en compte les divers avis, mais aussi d’offrir plus de confiance et d’autonomie dans le déroulement des tâches.

Les nouvelles organisations du travail comme le work from home, à temps plein ou partiel, les horaires flexibles ainsi que des propositions plus radicales comme la semaine de 4 jours sont des pistes pour améliorer la satisfaction au travail. Il ne faut cependant pas oublier chaque employé a ses particularités et que les mesures citées précédemment peuvent impacter négativement les femmes, qui en raison des normes de genre actuelles se retrouve à devoir entamer une deuxième journée de travail une fois la première finie.

L’insatisfaction des salariés ne les pousses pas seulement à quitter leur emploi mais aussi à quitter le pays, réduisant les opportunités des entreprises et aggravant la pénurie d’employés qui s’annonce. Il semble qu’un partage des valeurs entre entreprise et collaborateurs suivi par des actions concrètes, sociales ou durables, soit une piste de rétention et d’engagement.

A la suite de la présentation du rapport s’est déroulée une discussion d’une heure avec un panel d’expertes.

Entre méthodes d’améliorations, remise en question, coaching et réflexions sur l’évolution du travail et de la société, le panel a discuté en profondeur de l’une des frustrations les plus partagées par les employés Mauriciens : le manque de communication.

Le manque de communication vient pour Vanesha Pareemamun, Chief Human Resources Officer chez Currimjee Jeewanjee & Co Ltd, d’une peur de s’ouvrir à l’autre, notamment pour les hommes, mais aussi d’une méfiance, notamment les jeunes qui peuvent avoir plus de compétences et de rapidité sur les nouveaux outils. Elle en appelle à trouver des complémentarités avec les autres plutôt que rejeter la jeunesse.

Pour Marie Hélène Walter, psychologue, coach et superviseure, il s’agit non seulement d’un manque de volonté et de formation des managers mais aussi d’un échec des entreprises. Celles-ci n’arrivent pas à créer le cadre nécessaire pour instaurer un climat de confiance et une bonne communication.

Anouchka Sooriamoorthy, Philosophe et Fondatrice de In a chaos world, rajoute que la pression sociale que l’on peut ressentir à Maurice et les idées préconçues limitent fortement ce que les managers pourraient être. Elle affirme aussi que le travail crée de l’absurdité et de l’incohérence dans la vie des employés, il faut donc que les entreprises effectuent un travail de réflexion pour éliminer ces incohérences et chasser le non-sens du travail afin de rendre ma vie des employés plus agréable et instaurer plus de confiance.

Le traitement au cas par cas s’impose dans un monde où les profils et les opportunités se diversifient mais il faut s’assurer que cela ne se transforme pas en sensation d’injustice pour les autres.